Adrien Clovis BALEDENT est né à Bacouel sur Selle le 7 septembre 1871.
Il est le fils d’Alcide Julien BALEDENT et de Héléna Eugènie LERICHE. Son père exerce le métier de marchand de nouveautés, rue des Bourelles à Amiens (ancienne rue longeant l’Hôtel Dieu par la gauche et débouchant dans la rue Saint Leu)
Néanmoins, sa mère a préféré venir à Bacouel, sans doute chez ses parents pour mettre au monde Adrien.
Les Baledent et les Leriche sont installés à Bacouel depuis plusieurs générations et l’on retrouve chez les arrières grands parents d’Adrien des noms déjà croisés lors de la célébration du bicentenaire de la Révolution française à Bacouel.
En effet, y figurent des noms comme : Tassencourt, Fiquet, Mongrenier que certains d’entre nous ont eu l’honneur de représenter sur scène en 1989.
Très rapidement, le jeune Adrien manifeste un intérêt pour la vie militaire et à 18 ans, le 17 octobre 1889, il s’engage pour 3 ans au 16ème Bataillon de Chasseurs à pieds
Il y restera jusqu’en avril 1895, tour à tour, caporal, caporal fourrier, sergent, sergent major.
Le 3 avril 1895, il intègre l’Ecole Militaire d’Infanterie comme élève sous-officier.
Il sera nommé sous-lieutenant au 87ème RI le 16/03/1896 puis lieutenant le 1/04/1898.
Il est affecté ensuite dans plusieurs régiments d’Infanterie :
Au 104ème RI comme lieutenant le 25/02/1901 puis au 43ème Ri comme capitaine le 24/12/1907.
Jusqu’à la déclaration de guerre en août 1914, il sera affecté successivement au 46ème RI puis au 32ème et enfin au 232ème le 04/08/1914.
Durant cette période, Adrien Baledent se distingue par ses talents d’écrivain au service de la tactique militaire. En effet, il publie en 1905 son premier livre : « Trente problèmes tactiques à l’usage des candidats à l’école de Saint Maixent » Saint Maixent possède déjà une école de sous-officiers réputée.
En 1911, il publie « L’Infanterie en 100 pages » puis « L’Infanterie à la guerre » puis « L’Infanterie en un volume »
Tous ces livres sont des succès et à l’intérieur, Adrien BALEDENT ne manque aucune occasion d’affirmer ses origines en y incluant des plans de Bacouel ou de ses environs qui servent de base aux exercices d’orientation des troupes qu’il commande ou à qui il enseigne.
Lorsque la guerre éclate, il a déjà 43 ans et 25 ans de carrière derrière lui.
Son régiment stationné à Châtellerault va partir pour le front le 13 août 1914 avec 37 officiers et 2173 hommes.
Le 14 août, ce régiment faisant partie de la 11ème armée participe aux combats du Grand Couronné de Nancy. En octobre 1914, il combat dans la plaine de la Woëvre
Adrien Baledent est blessé une première fois par un éclat d’obus le 17 octobre 1914 à Flirey .
Le 30 novembre 1914, il est nommé chef de la 9ème compagnie du 135ème RI puis chef du 3ème bataillon le 1er janvier 1915.
Le 135ème RI occupe la région sud d’Ypres, plus exactement à Zillebeke jusqu’en mars 1915. C’est la guerre des mines et des tranchées.
Il va ensuite stationner entre Dunkerque et Saint Omer pour être renforcé en vue des offensives prochaines. L’effectif est porté à 47 officiers et 2955 hommes.
Le régiment cantonne ensuite dans la région de Frévent mais le 25 avril 1915, il est transporté par camions près de Lizerne en Belgique puis sur Steenstraete où les allemands, ayant passé le canal de Furnes à Ypres à la suite d’une attaque par gaz asphyxiants, ont formé une tête de pont.
Dès le 26 avril, le 135ème passe à l’attaque mais sans succès à cause d’une violente réplique d’artillerie allemande.
L’artillerie française n’arrive pas à détruire complétement les réseaux de barbelés allemands et les différentes offensives se soldent toutes par des échecs sanglants.
Il est à noter que le capitaine Baledent fait connaitre à plusieurs reprises à sa hiérarchie son désaccord concernant cette tactique d’attaque à tout va tant que l’artillerie n’aura pas détruit les barbelés mais le Colonel Audiat-Thiry ne l’écoute pas.
Au cours du 26 avril, le Colonel Audiat-Thiry est tué alors qu’il effectue une reconnaissance dans les tranchées après une énième attaque soldée par de cruelles pertes.
Deux autres officiers prennent successivement le commandement du régiment mais sont tués à leur tour.
Le Capitaine BALEDENT prend alors le commandement du 135ème RI mais à son tour, il est touché d’une balle dans le ventre alors qu’il est auprès de ses hommes dans les tranchées.
Il va agoniser pendant plusieurs heures aux cotés de l’aumônier du régiment qui l’assiste dans ses derniers instants.
Ce 27 avril 1915, le 135ème Ri perdra 118 hommes tués ou disparus ainsi que 226 blessés.
Le Capitaine BALEDENT sera fait Chevalier de la Légion d’Honneur
Il repose au cimetière de Bacouel mais son nom n’est pas inscrit sur le monument aux morts de Bacouel mais sur celui d’Amiens où il demeurait.
Sa tombe a été rénovée par la municipalité avec le soutien du Souvenir Français en novembre 2015 pour le centenaire de sa mort
Une cérémonie officielle a eu lieu le 11 novembre 2015 en présence d’une délégation d’élèves sous-officiers de l’École Nationale de Sous-Officiers d’Active de Saint Maixent et de descendants collatéraux de sa famille pour dévoiler l’inscription de son nom sur le monument aux morts de Bacouel sur Selle.
Ses livres et des articles qui lui ont été consacrés seront disponibles ce jour-là.
Parmi ces articles, un extrait d’un long témoignage d’un de ses amis militaire suisse est particulièrement émouvant :
Emile Mayer dans la Revue Militaire Suisse publie les mémoires du Lieutenant-Colonel Manceau :
« On remarquera l’émotion avec laquelle ce soldat énergique s’apitoye sur les victimes de la guerre. Jamais un mot de haine contre l’ennemi, sur le compte duquel il s’exprime toujours avec la plus correcte déférence, le plus souvent avec la plus sincère admiration. Je ne résiste pas au désir de transcrire les passages que voici, et qui peignent bien la bonté de son âme : »
13-24 septembre 1914 :
« L’horrible chose, c’est de voir un champ de bataille. J’ai vu Loisy-Sainte-Geneviève : c’était effrayant. Encore à cet endroit, j’ai vu ce que l’on ne verra pas sur un grand champ de bataille : cinquante hommes tués sur un espace de terrain grand deux fois comme une grande salle à manger. C’étaient des pionniers allemands que l’on avait lancés contre des réseaux de fil de fer. Les malheureux s’y sont portés en masse ; ils ont été surpris par une rafale, et ils sont tous morts. C’était horrible. Il faut être fou, vous m’entendez, pour jouer ainsi de la vie des hommes…
…On n’en verra pas davantage dans le Nord. Et il fallait voir tous ces hommes couchés : les uns assis, les autres à moitié relevés. Un autre se faisait un pansement. Etc. Quelle tristesse Et l’expression de frayeur sur ces visages C’est la guerre ; mais ce n’est pas beau.
« On devine combien, avec de tels sentiments, il devait ménager l’existence de ses hommes. Aussi lui en étaient-ils profondément reconnaissants. »
Monument à Lizerne en l’honneur des troupes francaises (dont le 135ème RI) et belges
Tenue de Capitaine du 135 éme RI en 1914 au Mémorial Museum de Passchendaele
Livres d’Adrien BALEDENT :
1. Trente problèmes tactiques, à l’usage des candidats à l’école de Saint Maixent, des chefs de section, des sous-officiers, des élèves sous-officiers. Chapelot 1903
2. Le Bataillon cycliste aux manœuvres d’armée en 1905
3. De l’instruction des cadres dans l’infanterie, avec une carte
4. L’enseignement du tir dans l’infanterie, avec un croquis
5. Carnets de route, avec un croquis
6. L’infanterie à la guerre. Exercices pour l’étude des règlements avec cartes (Livre couronné en 1916 par L’Institut de France)
7. L’Infanterie en un volume. Manuel d’instruction militaire. Publication annuelle, environ 1000 pages avec cartes et croquis. 1909
8. L’infanterie en 100 pages. Petit manuel illustré du soldat. Publication annuelle.
9. Le soldat de demain. Manuel à l’usage des Sociétés de préparation militaire et de gymnastique
Croquis de la région entourant Bacouel (extrait de L’Infanterie en 1 volume page 432)
Blessures :
– Blessé le 27 octobre 1914 par un éclat d’obus dans le dos et sur la main.
– Atteint au pied par un éclat de shrapnel pendant que, chargé d’organiser la défense de la position, il avait été reconnaitre le terrain
Citations :
A l’ordre de la 18ème Division d’Infanterie : N° 416 du 4 avril 1915
« A fait preuve depuis le début de la campagne, d’abord à la tête d’une compagnie où il a été blessé sans en quitter le commandement, ensuite, depuis quatre mois, à la tête d’un bataillon, d’une intelligence et d’une autorité toujours en éveil et d’un zèle inlassable, donnant sans cesse dans les tranchées du bataillon qu’il commande avec autorité, l’exemple d’une belle ardeur et d’un réel sang-froid. »
A l’ordre de l’Armée : N° 8 du 20 mai 1915
« Déjà blessé une première fois, vient d’être blessé mortellement à la tête de son bataillon qu’il commandait remarquablement et qu’il électrisait par son ardeur. Brave et réfléchi. »
Décorations :
– Chevalier de la Légion d’Honneur, rang du 5 février 1915, (croix reçue des mains du généralissime Joffre en présence de tout le 20ème corps d’armée) avec cette citation signée par le Général Joffre :
« Plein d’énergie, plein d’entrain ; a toujours rempli avec intelligence les diverses missions qui lui ont été confiées. »
– Croix de guerre
– Officier d’Académie, JO du 10 mars 1911
– Chevalier du Mérite Agricole, JO du 23 avril 1911
– A obtenu le 22 février 1900 une mention honorable pour la belle conduite dont il a fait preuve dans l’incendie du 12 décembre 1899 à Sait Quentin.
– Cité au bulletin officiel le 19 février 1903 pour son zèle et sa capacité dans les fonctions d’officier d’armement en 1902
– A reçu le 5 décembre 1905 une lettre de félicitations du Ministre de la Guerre pour son travail intitulé : « Trente problèmes tactiques à l’usage des candidats à Saint Maixent »
– A obtenu le 1er janvier 1908 une mention honorable pour la Mutualité
Extrait de lettres écrites juste après sa mort :
Adressée par un gradé le 29 avril 1915 :
« Il est tombé le 2ème jour, ce grand ami ; je ne le considérais pas comme un chef, le brave capitaine ; il est mort en héros et avec sa méthode il savait nous mener prudemment.
Aussi, dès qu’il a été frappé notre colonel qui commandait la brigade a vu la terrible situation dans laquelle nous étions.
Le colonel est mort deux heures après le capitaine BALEDENT, frappé lui aussi d’une balle dans la tête ; dans cette journée, nous avons perdu la moitié de nos officiers et aujourd’hui un commandant, trois capitaines et six sous-lieutenants sont morts et blessés et des centaines d’hommes, car on nous a envoyés au massacre ; nous venions du repos dans la Somme. Une grande partie de nos effectifs sont restés et voilà comment finit un régiment qui sera mal coté par l’Etat-major parce que tous les hommes n’y sont pas restés.
…Je suis fou de douleur, car notre Grand Soldat n’est plus….. »
Lettre du DR FRILET, médecin major du 135ème RI qui, à la suite de la mort d’Adrien BALEDENT, a écrit la lettre suivante le 1er mai 1915 :
« J’ai la profonde douleur de vous faire part de la mort de M. le capitaine Balédent, tué sur l’Yser, à la tête du 135ème RI qu’il commandait depuis trente-six heures seulement et qu’il conduisait vers la victoire. Sous son commandement, le 135ème venait de repousser de formidables attaques de l’ennemi et d’atteindre une position importante.
Il est tombé dans la tranchée de première ligne, à 50 mètres à peine des Allemands, le 27 avril 1915, au matin, au moment où, dans la préoccupation constante de ménager la vie de ses hommes, il venait reconnaitre par lui-même les cheminements les plus favorables pour déclencher l’attaque qu’il avait reçu l’ordre d’exécuter.
Tous les officiers du régiment le regrettent et tous les soldats du 3ème bataillon qu’il avait commandé trois mois le pleurent avec sincérité. Jamais je n’ai vu entre un Chef et ses hommes autant d’estime réciproque, de respectueuse affection et de confiance absolue. L’Armée perd un de ses meilleurs officiers et la Patrie un de ses défenseurs les plus capables. »
Notes de la Société des Antiquaires de Picardie dont Adrien BALEDENT était membre :
Séance du 11 mai 1915 sous la présidence de M. le Chanoine Mantel, président.
« La Société a fait une perte très vivement ressentie, en la personne de M. le capitaine Adrien BALEDENT, membre non résidant, mort de ses blessures reçues au service de la France. »
Le Capitaine BALEDENT avait réuni en 1914 tous les éléments pour faire à cette société une communication très documentée sur la géographie humaine.
La guerre _ et sa mort, _ ont empêché la mise au point et l’édition de ce travail.